Magma VS Slem [equipe 1]

Marine souffla de la fumée grise toxique et reposa sa cigarette sur ses lèvres. Lorsqu’elle l’eut finie, elle nous regarda, l’air amusé, comme à son habitude avant de déclarer de sa voix rauque si spéciale :

- Ah ! Le mariage, quelle drôle d‘idée. Les filles, vous m’avez vu ? On dirait que vous ne me connaissez pas !

Un rire étouffé de toussotements bruyants accueillit sa réponse pour le moins vexante. Comme si on ne la connaissait pas… Je me raclai un moment la gorge avant de répliquer, un léger sourire sur les lèvres :

- Marine, tu es lesbienne. C’est sur que… sincèrement, les gens sont très carrés. Tu crois vraiment qu’il y a un curé dans les dix kilomètres à la ronde qui acceptera de marier des homosexuelles ? Je ne pense pas. La campagne, ma chérie, c’est très vaste et très… coincé. Tu devrais partir habiter à Paris.

Elle me regarda avec dédain, légèrement offusquée par ma réponse qui, à son grand regret reflétait la réalité. Julie s’interposa, ses grands yeux bleus fixant le vide, presque inexpressifs, toujours perdues dans ses rêves :

- Ah, vous savez, moi je l’attends toujours… Vous vous imaginez un peu ? La belle robe meringue, la longue traine, les pétales de rose, le tapis rouge, l’autel immaculé, la bague en diamant et en or, le banquet, et les enf…

- Pauvre petite. Tu es bien trop fleur bleue. Réveille-toi, le prince charmant n’existe pas.

Marine avait parlé. Et sa voix loin d’être féminine avait fait pâlir la blondinette qui semblait à deux doigts d’éclater en sanglots. La pauvre. Voilà que la fumeuse lui gâchait ses rêves. La vieille peau terre à terre. Elle était très attachante, mais n’avait toujours pas compris que même avec ses amies, la franchise n’est pas toujours une bonne chose. Je lui assénai un léger coup de coude dans les côtes, pour lui faire comprendre qu’elle avait gaffée. Elle me lança un regard noir qui ne m’effrayait pas le moins du monde. Je savais que sous ses grands airs de brute se cachait une femme attentionnée et très sympathique.

Julie me regarda, sourire retrouvé, avant de demander de sa voix de gamine craquante :

- Et toi, Stef ?

- Quoi et moi ?

- Et bien… le mariage ?

Je me retins de lui porter une bonne baffe sur ses joues rebondies. Le mariage, le mariage… Depuis mon divorce, j’avais compris que le mariage n’existerait peut-être plus. Moi qui étais si jeune à l’époque, si immature pour comprendre que m’engager avec lui ne m’apporterait rien. Et j’avais commis la plus grosse erreur de ma vie. Bien que tout les préparatifs, le choix de ma robe, dresser la liste des invités et l’organisation en général m’avait bien plus, je n’étais pas prête de recommencer. Même si dire « oui » et embrasser celui qui avait fait battre notre cœur s’était avéré un moment exquis, je n’étais pas prête de recommencer. Pas prête de recommencer à aimer. Pas prête de recommencer à sourire niaisement. Pas prête de recommencer à souffrir. J’avais eu trop mal lorsque je l’avais vu avec une autre femme…. Non, vraiment, je ne savais pas où je trouverais la force de reconstruire une relation solide et stable.

Je sentis ma gorge me serrer, mes yeux me picoter. Julie dut se sentir gênée, coupable d’avoir posé cette question car elle se mordit la lèvre. Un signe qui ne trompait guère. Elle savait que j’avais déjà divorcé. Mais elle ne savait pas à quel point c’était une expérience douloureuse.

Je ravalai mes larmes avec difficulté et essayai d’aborder un sourire à peu près convaincant. Je déglutis avec peine avant de boire une gorgée de bière. Après ça, je repliai mes jambes contre moi et posai ma tête sur mes genoux. Au bout de quelques minutes de silence et de réflexion, je répondis, agitée d’un petit rire nerveux :

- Mon mariage ? Mon second mariage ? Comment je le vois ? Alors, je vous explique. Je serai ruinée, j’irai à Las Vegas, dans un des plus prestigieux casinos dans l’espoir de me remplir un peu les poches. Là-bas, je rencontrerai un bel homme bien musclé qui me fera boire et boire encore… On passera une nuit de rêve dans sa suite avec jacuzzi et puis… Et puis il me donnera un joli bidule avec un diamant au milieu. Complètement bourrée, je dirai oui, et on se mariera en sous vêtements –si on n’oublie pas de se rhabiller- devant un curé aussi défoncé que nous déguisé en Elvis Presley. Ça vous va ?

Je jetai un regard curieux vers mes amies qui, livides, me dévisageaient. Marine semblait très amusée par mon récit et éclata de rire tandis que Julie, petite chose fragile, me regardait avec une horreur non dissimulée. Je m’empressai d’ajouter :

-Je plaisante. T’en fais pas. Non, sérieusement, je n’en ai aucune idée. Pourtant, mon histoire sonnait bien je trouve. C’est peut-être ce qui m’arrivera, qui sait… ?